Il reprend lentement conscience. Il bouge un peu et il n'est pas confortable. La bile remonte dans sa gorge, lui brûlant l'oesophage. Il se sent très mal. Il a encore trop bu. Il n'est pas certain de savoir comment s'est terminée la nuit. Il ouvre péniblement les yeux. Il fait sombre, il ne voit pas grand chose. Il se croyait ailleurs constate-t-il lorsqu'il croit reconnaître l'endroit où il est. Il n'est pas certain. Il n'est pas dans un lit en tout cas. Ce serait moins dur, plus confortable. Il s'étouffe et tousse un bon coup, retenant une nausée désagréable, mais pourtant si familière ces derniers mois. Il se redresse péniblement. Bonne nouvelle, il est dans sa chambre... mais pas celle de l'hôtel ou il croyait avoir finit la nuit. Nan. C'est bien pire. Chaque fois qu'il quitte cette maison, il se promet de ne pas y remettre les pieds. Et pourtant, comme dans un cauchemars, il s'y trouve encore. Il partirait bien, maintenant pour ne jamais revenir, mais... la sortie est trop loin. La tête lui tourne. Bordel, il ne doit pas être rentré depuis longtemps... il n'a aucune idée de l'heure qu'il peut être... mais il fait noir. Et pour être dans cet état, il ne doit pas avoir avalée la dernière gorgée depuis longtemps. Il se dirige péniblement vers son lit. Ramper serait plus exact. Il y grimpe avec lenteur et difficulté, puis se laisse tomber à plat ventre. C'est hyper inconfortable, mais au moins il ne s'étouffera pas s'il vomit. Il ne comprend pas pourquoi il est encore ici. Dans cette maison où plus personne ne vit.

Il ne sait pas il est quelle heure. Il inspire comme s'il n'avait pas respiré depuis des heures. Impossible, il serait mort. Il tousse. Il a la bouche, la gorge et tout le reste très sec. Enfin, sauf le filet de bave qu'il essuie avec un mélange de dégoût et de mépris. Bordel de merde... il déteste être dans cet état... et pourtant, il répète la même chose soir après soirs. Il le sait comment ça se terminera. Comme en ce moment. Merde, il est encore ici... il se laisse tomber sur le matelas... merde, il a envie de pisser. Il essaie de faire taire l'envie et le mal de tête. Ni l'un ni l'autre ne semble vouloir s'estomper. Il renifle. Ah, tiens, il a saigné su nez. Il réussit à se mettre debout. Ça tangue. Ça se stabilise un peu. Juste un peu. Il réussit, comme un funambule, à atteindre la salle de bain. Enfin, une bonne chose de réglée, il ne reste que le mal de tête et la gueule de bois. En jetant un coup d'oeil au miroir, il devine que s'il a saigné du nez, ça doit être en lien avec l'ecchymose sur le côté droit de son visage. Ah ouais, ça lui rappelle vaguement un type qui a dit quelque chose qui ne lui a pas plut... quoi, il ne sait plus... ça explique aussi les jointures écorchées. Il ne sait pas non plus comment il est rentré... il n'a surement pas conduit. Est-ce qu'il a conduit ? Il se réveille lentement, mais pas ses souvenirs de la nuit dernière. Ça devient une habitude. Il se passe un jet d'eau sur la figure. Ça le fouette à peine.

Un fracas à réveiller les morts accueille son arrivée au rez-de-chaussée. Il a manqué les dernières marches. De toute manière, c'est tout ce qui reste, ici, des morts. Plus d'âmes qui vivent. Plus de raisons. Plus de rires. Plus aucun éclat. Plus de Jenny. Il voudrait partir et ne plus revenir. Mais il reste des souvenirs.

- Oh ta gueule, dit-il au chat qui lui demande un peu d'attention, si ce n'est de remplir au moins sa gamelle.

Mais tout de même, il déniche la boîte de croquettes pour chat et en jette un poignée à peu près dans le coin de la gamelle. L'odeur de la nourriture du félin lui lève le coeur. Il devrait se prendre un verre d'eau. Il préfère le gin. Y'en a partout. elle aussi préférait le gin. Mais en petite quantité. Rien à foutre.

Et il se laisse tomber dans le canapé.